Éditoriaux

Trouble à l’ordre public

Voilà une notion que l’on entend beaucoup dans la bouche des tenants du pouvoir. Et que n’importe quel juriste pourra qualifier d’aussi floue que péremptoire, laissant donc le champ libre à l’arbitraire.

Ces dernières années, on l’a vue d’abord utilisée par des maires parmi les plus racistes du pays pour tenter d’écarter quelques femmes des plages ou des sorties scolaires et attiser par la même occasion leur fantasme de guerre civilisationnelle.

Dans un très récent discours du président à la suite d’un fait divers sordide , il dit vouloir s’appuyer sur cette notion pour expulser davantage de personnes étrangères.

C’est encore elle qui est bien souvent invoquée pour les réquisitions de personnel (y compris gréviste) qui se sont multipliées lors du mouvement social entamé cet automne.

À ce compte-là, une baignade en combinaison peut valoir une amende si l’on est une femme, un PV de stationnement peut valoir expulsion si l’on est étranger, le mouvement social est empêché s’il touche un point sensible… arbitraire donc.

Mais quand la puissance publique […] favorise l’accaparement de la première ressource vitale… n’y a-t-il pas là trouble à l’ordre public ?

Et la revoilà tout près de nous lorsque la préfète des Deux-Sèvres a décidé d’abord d’interdire une manifestation en plein champ, puis d’interdire la circulation des jours durant à plusieurs kilomètres à la ronde et enfin de dépenser quelques millions d’euros d’argent public pour faire la guerre aux militant.e.s bravant l’interdiction… pour les empêcher de se rendre sur un terrain vague !

L’ordre public, qui se veut garantir la sûreté, la tranquillité, la quiétude des citoyen.ne.s, a donc été « maintenu » à Sainte-Soline, au prix d’un week-end de terreur et de restrictions pour les habitant.e.s alentours, de l’interdiction de la liberté fondamentale de manifester et de quelques mutilations, arrestations et amendes pour les militant.e.s.

L’État de droit, censé nous protéger de l’arbitraire, implique que la puissance publique est soumise aux règles de droit. Mais quand la puissance publique empêche l’accès aux droits pour obtenir des papiers, crée la misère et ne respecte pas le droit sur l’hébergement d’urgence ; lorsqu’elle détruit nos services publics au point de fermer les urgences un week-end sur deux ; lorsqu’elle permet de laisser détruire des milliers d’emplois pour satisfaire des exigences de rentabilité ; lorsqu’elle favorise l’accaparement de la première ressource vitale… n’y a-t-il pas là trouble à l’ordre public ? Sommes-nous toujours bien dans l’ordre public entendu comme l’état dans lequel les libertés s’exercent le mieux ?

Il faut donc interroger ce fameux « ordre » actuel et peut-être encore plus la hiérarchie des libertés qui semble en découler de fait. Au sujet des méga-bassines, c’est bien la liberté individuelle ou plutôt individualiste de la course au profit de quelques propriétaires de grandes exploitations, des négoces et des banques qui est protégée et même encouragée contre l’intérêt général : « les eaux glacées du calcul égoïste ». C’est un tout autre ordre qu’il est urgent de lui substituer.

Hugo Blossier,

Secrétaire départemental

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