Initiée à l’échelle nationale et européenne fin Novembre dernier, la campagne pour la levée des brevets des vaccins est portée par les communistes dans la Vienne. Une initiative citoyenne européenne qui nécessite de récolter au moins un million de signatures et qui est bien accueillie par les Poitevins. Alors que les entreprises pharmaceutiques se cachent derrière l’argument selon lequel les brevets sont nécessaires pour stimuler la recherche et la conception de médicaments, leur levée est au contraire indispensable pour lutter efficacement contre la pandémie de covid-19, en vue de la juguler.
La campagne vaccinale contre la covid-19 est laborieuse en France depuis son lancement, dans un contexte de gestion de la pénurie. Si la vaccination des personnes à risque face au virus, c’est-à-dire celles les plus âgées et/ou présentant des comorbidités, est bien entendu nécessaire, celle des personnes au contact du public au quotidien ne semble pas être la priorité du gouvernement. Alors que les variants de la covid-19 touchent beaucoup plus sévèrement les moins de 55 ans en comparaison à la souche initiale du virus, il serait légitime de proposer des injections à tous les adultes. Aussi bien pour éviter les effets délétères des variants que pour atteindre une immunité collective à terme, là où les confinements et le couvre-feu sont des marqueurs d’échecs d’un gouvernement qui gère la crise bien difficilement.
Comme le rapporte Le Monde Diplomatique dans son édition de Mars, le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, dressait un « constat accablant » à la mi-Janvier : ainsi, à l’échelle planétaire, plus de 39 millions de doses de vaccins avaient alors été administrées dans 49 pays à revenus élevés. Et seulement 25 doses avaient été administrées dans un des pays aux revenus les plus faibles. Alors que les variants se multiplient et mettent les systèmes de santé à rude épreuve, la vaccination contre la covid-19 s’avère essentielle pour limiter dans un premier temps les formes graves de la maladie, et pour atteindre une immunité collective à long-terme. Qui plus est, pour espérer vaincre cette pandémie, cette même immunité collective nécessite qu’une part importante de la population adulte ait reçue un des vaccins existants. Et de fait, dans une économie mondialisée marquée par l’interconnexion des échanges et par la mobilité des populations, si une partie de la planète n’est pas protégée contre le coronavirus, ce dernier ne pourra pas être éradiqué.
Pour autant, rendre les vaccins plus accessibles à tous les pays ne semble pas être la priorité des laboratoires pharmaceutiques, ni celle des pays les plus riches. Ainsi, les derniers soutiennent les premiers dans la protection des brevets sur les vaccins, empêchant de fait la baisse des prix. Pire, les laboratoires se targuent sans vergogne de faire des bénéfices sur la pandémie : ainsi, Pfizer a fait passer le prix de la dose de 12€ à 19,5€ ! Alors que les variants plus résistants aux vaccins peuvent nécessiter l’administration de doses supplémentaires, le compte est gagnant pour les laboratoires comme Moderna dont le PDG affirmait qu’il était normal que son entreprise fasse des bénéfices sur son vaccin. En outre, les pays du G7 se sont récemment opposés à la proposition émise par l’Inde et l’Afrique du Sud pour la levée temporaire des brevets, préférant trop souvent défendre leurs champions nationaux, comme AstraZeneca pour la Grande-Bretagne. Et là où les pays riches prétendent faire vivre la solidarité avec le reste de la planète, le dispositif Covax qui vise à assurer un accès équitable aux vaccins pour 190 pays et territoires rencontre des difficultés pour décoller.
Un second mécanisme nommé C-TAP (pour « Covid-19 Technology Access Pool »), impulsé par le Costa Rica en Mars 2020, est censé garantir le partage de la « propriété intellectuelle, des connaissances et des savoir-faire nécessaires pour produire des vaccins à grande échelle ». Or, le C-TAP reste une coquille vide car il s’agit d’un pool de licence volontaire : ainsi, les firmes partagent leurs technologies et leur propriété intellectuelle comme bon leur semble. Si l’échelle mondiale semble compliquée pour imposer des licences obligatoires, des pays ont recouru en 2020 à ces dernières sur les technologies liées au coronavirus, à l’image du Chili, d’Israël et de l’Équateur. Ainsi, rien n’empêcherait la France de faire de même pour produire les vaccins contre la covid-19 à l’échelle nationale : une telle démarche peut se justifier par le caractère urgent posé par la pandémie qui nécessite une sortie de crise. Alors que les réquisitions font partie des pouvoirs du Premier Ministre dans le cadre de la loi d’état d’urgence sanitaire, Emmanuel Macron et son gouvernement font le choix délibéré de laisser la main libre au marché. Dès maintenant, la revendication de l’imposition de licences obligatoires sur les vaccins contre la covid-19 mais aussi sur les traitements médicamenteux contre cette maladie, ainsi que sur les technologies de tests, est plus que jamais incontournable. Lors des échéances de 2022, la crise sanitaire sera le sujet politique central et un ou une candidat.e de gauche se devrait de porter cela dans l’objectif d’éradication de la pandémie.
Produire les vaccins à grande échelle en France et dans tous les pays qui ont les capacités technologiques de le faire, cela est plus que jamais urgent pour vaincre la pandémie. Cela sera en outre un outil essentiel pour s’engager sur la voie de la réindustrialisation en France et en Europe. Il s’agit de produire en nombre et à bas coût pour les populations de chaque pays, aussi bien celles des pays qui ont les industries capables de produire les vaccins que celles des autres qui n’en ont pas les moyens. La solidarité internationale ne doit pas être cosmétique dans la lutte contre la pandémie, et le dispositif Covax doit bénéficier de cette levée des brevets : au contraire, elle est incontournable pour pouvoir voir enfin la lumière au bout du tunnel. Faisons le choix de la solidarité, faisons le choix de la levée des brevets !
Jérémy Roggy
>> La pétition européenne pour la levée des brevets des vaccins <<
[…] Initialement publié sur La Vienne Démocratique. […]
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