Elections

Législatives. Que peuvent dire les chiffres ?

La tendance de longue date à l’abstention massive est respectée, notamment chez ceux qui votent le plus à gauche et/ou ont le plus intérêt au changement : 70% d’abstention chez les 18-34 ans et seulement 30 % pour les plus de 70 ans, mais aussi davantage d’abstention chez les moins diplômés, ceux qui ont le moins de revenus, les ouvriers et employés… Deux faits marquants : d’un côté c’est l’extrême-droite qui progresse le plus que ce soit en nombre de voix et avec un nombre de sièges inédit à l’assemblée. De l’autre, la gauche rassemblée et engagée sur un programme partagé de rupture progresse peu en nombre de voix mais très nettement en sièges, et c’est bien elle qui constitue désormais la première opposition et empêche la coalition présidentielle d’atteindre la majorité absolue et de pouvoir dérouler dès l’été son programme antisocial.

Dans la Vienne, les résultats appellent aussi des questions auxquelles un regard sur quelques évolutions chiffrées (depuis 2017, entre présidentielle et législatives, entre deux tours) peut donner des éléments de réponse notamment sur la capacité de remobilisation des électorats respectifs.

Au premier tour, malgré des résultats déjà très alarmants et en progression partout par rapport à 2017 (y compris à Poitiers +700 voix, +15 000 dans le département), l’extrême droite retrouve à peine plus de 50 % de ses voix du premier tour de la présidentielle. Dans la 3ème circonscription, elle réalise autant de voix au premier tour en 2022, qu’au second tour de 2017.

la gauche […] constitue désormais la première opposition et empêche la coalition présidentielle d’atteindre la majorité absolue

À droite et En Marche, les disparités entre circonscriptions sont surtout dues à la présence de candidats de droite bien implantés (Jérôme Neveu dans la 1ère et François Bock dans la 3ème). Le cumul des voix Macronistes et de la droite recouvre uniformément environ 70 % des voix de leurs candidats de la présidentielle. Mais la perte de plus de 20000 voix par rapport à 2017 constitue sans doute une part importante des gains de l’extrême droite.

Si la gauche retrouve à peine plus de 60 % des électeurs de la présidentielle et quasiment le même nombre de voix qu’en 2017, les disparités locales sont plus importantes. Le total gauche progresse par rapport à 2017 dans les deux premières circonscriptions de la Vienne, avec +500 voix dans la 1ère dont +400 à Poitiers, et +1500 dans la 2ème dont +1200 à Poitiers. à l’inverse le total gauche recule dans les circonscriptions 3 et 4 (-500 voix et -1500 voix).

Avec une gauche unie qui fait recette notamment à Poitiers, la première circonscription voit donc la victoire de Lisa Belluco (EELV-NUPES) qui réunit 6000 voix de plus que la candidate FI au second tour en 2017. Paradoxalement, sur la 2ème circonscription avec une campagne plus fournie en militants pour frapper aux portes, Valérie Soumaille (FI-NUPES) parvient à progresser davantage au premier tour mais insuffisamment pour l’emporter au second.

Les profils des binômes candidats et de leurs adversaires ont certainement beaucoup compté. Des électeurs au profil davantage « extrême gauche » ont apporté leurs voix à la NUPES dès la premier tour sur la 2ème circonscription (le soutien du NPA l’illustre) et non sur la 1ère. En revanche, l’électeur de « centre-gauche » qui avait pu voter pour un candidat comme Frédéric Bouchareb (revendiqué écologiste sur la 2ème circonscription) au premier tour, a pu entendre les arguments des marcheurs relayés par Alain Claeys ou Jacques Santrot invitant à choisir Sacha Houlié. Et ce même profil d’électeur a certainement plus facilement voté au second pour Lisa Belluco sur la circonscription voisine.

Il faut aussi regarder du côté des adversaires. Les macronistes ont semblé concentrer davantage de forces militantes sur la 2ème circonscription. Le député sortant Sacha Houlié, en plus du soutien des éléphants, a aussi capté davantage l’attention médiatique. Sans adversaire sérieux à droite, c’est lui qui se rapproche le plus du nombre de voix du premier tour des présidentielles et parvient même au second tour à rassembler près de 1000 voix de plus qu’en 2017. A l’inverse, Françoise Ballet-Blu souffre au premier tour de la candidature de Jérôme Neveu dont elle ne récupère pas les voix au second tour où elle obtient 1000 voix de moins qu’en 2017 (dont -700 à Poitiers).

On peut remarquer aussi des différences dans le vote d’extrême droite : moins important dans la 2ème circonscription mais avec une meilleure progression par rapport à 2017 et dont la composition n’est pas la même avec une candidate Zemmourienne plus implantée (600 voix de plus que sur la 1) ainsi qu’un candidat issu du SIEL et une du mouvement de Florian Philippot et dont les électeurs, notamment des milieux grands bourgeois et catholiques traditionalistes de Poitiers se sont sans nul doute mobilisés contre la gauche au second tour.

Les profils et les campagnes des candidat.e.s qui ont incarné la NUPES ont donc certainement eu une influence sur leurs résultats respectifs

La NUPES ne se qualifie pas au second tour dans les 3ème et 4ème circonscriptions, les situations y sont assez différentes.

C’est dans la 4ème que la perte de voix par rapport à 2017 est la plus importante. Le député macroniste sortant gagne 2000 voix avec le soutien de la droite mais dont la candidate avait réuni près de 7000 voix en 2017… L’extrême droite y gagne 4000 voix par rapport au premier tour de 2017 et en ajoute encore 2000 au second.

La 3ème circonscription constitue un échec pour la NUPES qui retrouve à peine 53 % des électeurs de gauche de la présidentielle (65 % pour la circo 2 par exemple). En 2017, le député sortant Clément (PS) était candidat En Marche et un candidat divers gauche (Mesmin) occupait alors l’offre politique du PS. Malgré cela le binôme NUPES réunit 500 voix de moins que le total gauche de 2017 (Clément exclu de ce total). Le flou entretenu par Jean-Michel Clément sur son positionnement ne suffit donc pas à expliquer l’échec. En effet, celui-ci ne retrouve que 4000 de ses 15000 voix du premier tour de 2017 et le candidat macroniste officiel en a lui moins de 8000. En 2017, deux candidats de la droite traditionnelle réunissaient près de 8000 voix contre seulement 6000 pour ceux de 2022. Jean-Michel Clément, député « de gauche », réélu avec Macron, puis tentant de se repositionner à gauche a surtout contribué au grand brouillage et à renforcer l’exaspération, exprimée par les 4000 voix supplémentaires de l’extrême droite au premier tour… auxquelles s’ajoutent 5000 de plus au second ! Quel gâchis.

Les profils et les campagnes des candidat.e.s qui ont incarné la NUPES ont donc certainement eu une influence sur leurs résultats respectifs. Dans la 4ème circonscription très désindustrialisée, où des combats sociaux ont été menés, où l’extrême droite progresse depuis longtemps sur le sentiment de déclassement… un candidat issu du PS dont les forces militantes sont extrêmement minces était-elle la meilleure option ? Le score du candidat LO qui fait plus que doubler par rapport à 2017 pose question. Le choix des suppléants aurait aussi pu favoriser davantage la dynamique unitaire. Des candidatures proposées par le PCF incarnaient déjà des dynamiques de rassemblement réussies et pouvaient constituer des ponts vers des pans du mouvement social ou associatif. Le temps a manqué pour une construction véritablement collective qui aurait sans doute permis d’agrandir encore un peu la base sociale et militante du rassemblement et peut-être aider à faire élire plus de députés NUPES dans la Vienne.

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