Culture

Théâtre. Socrate rêve

socrate rêve

Notre camarade Michel Caubet a adhéré au PCF en 1973. Professeur de lettres et de théâtre, il vit dans la Vienne depuis 2009.

La Vienne Démocratique : Michel, ta pièce Socrate Rêve, qui sera jouée en mai à Poitiers, se déroule au Ve siècle avant J-C à Athènes. Quel peut donc être le lien avec notre actualité ?

photo michel caubet

Michel Caubet

Michel Caubet : La démocratie athénienne et la nôtre ont des analogies. À Athènes cela a commencé en ~ -594 avec Solon, qui avait aboli les dettes et créé les bases du système démocratique. Mais au siècle suivant la démocratie athénienne prend une tournure impérialiste et se lance dans des aventures militaires (la désastreuse expédition de Sicile). Cette expérience démocratique se termine en ~ -404 avec la défaite d’Athènes dans sa guerre contre Sparte. Les vainqueurs mettent en place la tyrannie des Trente, le régime de Vichy de l’époque, qui va faire régner la terreur par des arrestations et exécutions arbitraires. Ensuite ce n’est plus qu’une parodie de démocratie, et Athènes finit par tomber sous domination étrangère. La démocratie athénienne aura donc duré en tout un peu moins de deux siècles. En France, souvenons-nous que nous ne sommes en démocratie permanente que depuis la fin du Second Empire. Cela ne fait donc qu’un peu plus de 150 ans. Pourvu que la droitisation en cours dans notre pays n’aboutisse pas un jour à une tyrannie comme celle des Trente !

La Vienne Démocratique : Ta pièce comporte huit personnages, dont seulement deux femmes. Pourquoi ?

Michel Caubet : Elles ne sont que deux, mais leur rôle est aussi important que celui de Socrate, le protagoniste. Xanthippe, d’origine aristocratique, a épousé Socrate, fils d’un tailleur de pierre. Elle est restée célèbre pour son mauvais caractère, et je me suis demandé pourquoi. En fait, elle est en révolte contre la condition des femmes athéniennes. Déjà une féministe, une insoumise, la Clémentine Autain de l’époque ! J’ai créé un autre personnage féminin, la servante Phryné, pour faire entendre la voix des esclaves, la démocratie athénienne étant une démocratie esclavagiste et machiste. Phryné a une histoire personnelle terrible, mais je ne veux pas vous le « spoiler » ici…

socrate

Socrate

La Vienne Démocratique : Tu as choisi une dramaturgie « brechtienne ». Pourquoi ?

Michel Caubet : Quand j’ai fait lire le premier jet de ma pièce au metteur en scène Michel Geslin, il m’a dit : « Ton Prologue, c’est déjà brechtien. Pourquoi tu ne développes pas cet aspect ? » Je faisais du Brecht sans le savoir !

Le grand dramaturge antifasciste allemand, dont l’influence reste énorme sur tout le théâtre contemporain, soulignait l’importance du plaisir au théâtre. Il peste contre ces pièces petites-bourgeoises qui plongent le public dans une sorte de torpeur, endorment sa conscience. Les metteurs en scène de Brecht ont parfois oublié ces dimensions de plaisir et d’éveil de la conscience politique ! Ma pièce commence sur le ton d’une comédie, puis on passe aux sujets sérieux : travail des esclaves, condition des femmes, démocratie et ses dérives. J’utilise dans ma mise en scène les effets que Brecht préconise pour éveiller la conscience politique : effets de surprise, jeux sur la chronologie, télescopages, révélations, effets d’étrangeté, intermèdes musicaux qui commentent l’action. Plusieurs de mes acteurs sont aussi des musiciens. Ainsi le spectateur doit passer par toutes les émotions : le plaisir du rire, celui de la musique, et les arrière-plans politiques et sociaux de la pièce ne pourront le laisser indifférent.

Entretien réalisé par Françoise Poteau

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