Féminisme Histoire

La grande histoire de l’émancipation des femmes (3/5)

Marie-Claude Vaillant-Couturier en 1946

D’ici le 8 mars prochain, La Vienne Démocratique publie en 5 épisodes et à raison d’un épisode par semaine l’intervention publique de Françoise Poteau, prononcée le 8 mars 2020 en Sud Vienne à l’invitation du Parti Communiste et Front de Gauche, et actualisée en 2021.

3ème partie : Les femmes prennent toute leur place pendant les guerres du XXème siècle mais ce siècle voit des avancées et des reculs

 

La guerre de 14/18 voit les femmes prendre les commandes du travail…

Que ce soit à la ferme ou à l’usine… Dans la pièce de théâtre Poste restante (de Françoise Chauvière, Jacqueline Marchive et Jean-Yves Tanché, par la compagnie des Halles de Rouillé), présentée par PCF et le Front de gauche sud Vienne en 2019 à l’occasion du 8 mars, raconte l’après la guerre où La Poste a licencié la très grande majorité des femmes)
Même si ce ne fut pas simple, dans les années 30, plus du tiers des femmes en âge de travailler occupe un emploi en France. C’est le chiffre le plus élevé des pays développés. Elles sont l’armée de réserve dont le patronat a besoin mais les fonctions d’encadrement sont réservées aux hommes.

Le Front Populaire : l’espoir déçu des femmes !

Les réalisations en faveur des femmes ne seront pas à la hauteur des promesses du gouvernement Blum qui se révélera timoré, en particulier parce que les radicaux, notables, ne voulaient pas que la situation de domination masculine évolue.
Cependant, elles participent de façon massive aux actions aux côtés de la CGTU et du Parti Communiste (par exemple chez Chanel qui exploitait 4000 ouvrières) mais ne sont pas forcément bienvenues aux occupations de nuit.
En ce qui concerne le droit de vote des femmes, depuis 1919, il avait été accepté par les députés mais refusé par le Sénat à 5 reprises… Les communistes avaient présenté de nombreuses femmes aux municipales (en particulier en 1925) dont beaucoup ont été élues bien que seuls les hommes ont le droit de vote mais, bien sûr ces élections sont à chaque fois annulées par les préfets. En 1925, après la grande grève des 4000 « Penn sardin » à Douarnenez, Joséphine Pencalet est élue maire et le préfet annule l’élection.
Elles ne sont pas représentées aux accords de Matignon et le patronat, grâce à l’absence de protection de la main d’œuvre féminine à domicile (30 % d’entre elles), les écarte des lois sociales et des conventions collectives.
En ce qui concerne les revendications d’accès à la contraception et à l’avortement, c’est une grande déception. Les communistes qui exigeaient auparavant l’abrogation de la loi de 1920 contre la maîtrise de la natalité se rallient à une politique nataliste (Jeannette Thorez Veermech : « la contraception est l’apanage des vipères lubriques de la bourgeoisie ») bien que Jacques Duclos ait affirmé en 1936 « Il appartient au Front Populaire de réaliser l’émancipation de la femme. »
Le Parti Communiste Français sera bien long à se dégager de l’empreinte de Jeannette Thorez Veermesh !
Trois femmes sont au gouvernement comme secrétaires d’état : Cécile Brunschvicg, radicale à l’Education Nationale, Suzanne Lacore, socialiste à la protection de l’enfance et Irène Joliot Curie, proche des communistes, à la recherche.

La Résistance

Lors de la 2ème guerre mondiale les femmes jouent un rôle important dans la Résistance mais comme pour la Commune, je ne citerai que quelques noms. Dans l’introduction du livre qui leur est consacré, Marie George Buffet écrit « ce n’était pas une histoire d’hommes. Elles furent nombreuses à prendre le maquis, à porter les messages, à cacher des clandestins ou des enfants juifs, à éditer des journaux, à les distribuer, à faire sauter des trains, à saboter des voies, à maintenir allumée la flamme de l’espoir. »
A Poitiers, un collège où j’ai enseigné s’appelle France Bloch Sérazin, fille de l’écrivain antifasciste Jean Richard Bloch, elle avait fait ses études à Poitiers. Adhérente du Parti Communiste à Paris où elle travaille dans un laboratoire de chimie, elle s’engage dans la Résistance dès 1940 ; sa formation de chimiste lui permet de fabriquer des explosifs et elle participe physiquement au sabotage de voies ferrées. Elle est arrêtée par la police de Pétain, torturée et décapitée à la hache à Hambourg. Son mari sera arrêté et tué par la milice sans connaître le sort de sa femme. Les nazis ne fusillaient pas les femmes car ils considéraient que ça ne valait pas le coup de gaspiller une balle pour elles… Ce fut également le cas d’Olga Bancic, la seule femme du groupe Manouchian, le 10 mai 44 à Stuttgart alors que les autres résistants du groupe ont été fusillés.
Les résistantes ont payé un lourd tribut…
En mai 1943, Aragon publie dans la clandestinité, sous le pseudo de François la Colère, un poème poignant dont je vais lire des extraits mais il ne sait pas encore qu’Auschwitz est d’abord un camp de la mort…

« […]Aux confins de la Pologne, existe une géhenne
Dont le nom siffle et souffre une affreuse chanson

Auschwitz ! Auschwitz ! Ô syllabes sanglantes!
Ici l’on vit, ici on meurt à petit feu.
On appelle cela l’extermination lente.
Une part de nos cœurs y périt peu à peu
[…] Maïté et Danielle… Y puis-je croire ?
Comment achever cette histoire ?
Qui coupe le chœur et le chant ? »

Danielle, c’est Danielle Casanova, Maïté c’est Maï Politzer et Marie Claude c’est Marie Claude Vaillant Couturier, résistantes communistes parties de Romainville le 24 janvier 1943 dans un convoi comprenant 230 femmes, des résistantes communistes mais aussi gaullistes dont seulement 49 survécurent !

La Libération

Le droit de vote est accordé aux femmes le 21 avril 1944, grâce à un amendement du communiste Fernand Grenier : «Les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes» mais ne sera utilisé que pour les municipales du 28 avril 1945.
Les femmes ont gagné leur place. Dans la Vienne, pour n’en citer que 2 : Isabelle Douteau, sera la 1ère femme députée de la Vienne le 30 janvier 1947 à 32 ans. Elle avait adhéré au PCF en 36 «Parce que c’était de ce côté que se trouvaient ceux qui défendaient les travailleurs des villes et des campagnes.» Elle avait été arrêtée en 1941 puis transférée de camp en camp. A Adriers, Jacqueline Riffaut, juste sortie de la Résistance devient adjointe au Maire d’Adriers et dirigeante départementale du PCF.

Mai 68 : La lutte des classes est prioritaire mais… la crise de 68 a changé la vie des femmes.

Elles sont autant que les hommes dans les manifestations, et pas seulement les étudiantes et les ouvrières : les employées des grands magasins sont aussi en grève (à Poitiers les vendeuses des Dames de France, grand magasin fréquenté par la bourgeoisie : impensable !) La génération du baby boom veut changer les anciennes valeurs et cette rivière souterraine va ressortir 2 ans plus tard…

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