Économie Industrie PCF

Fonderies : lettre ouverte à Nicolas Turquois

Lettre ouverte des communistes Châtelleraudais à M. Nicolas Turquois

M Nicolas Turquois

Député de la Vienne

36, Place Dupleix

86100 Châtellerault

Châtellerault le 5 mai 2021

 

Monsieur le député,

Bruno Le Maire a annoncé, au sortir d’une rencontre avec les constructeurs automobile, un plan de soutien à la filière fonderie dans le pays, abondé à hauteur de 30 millions par l’Etat et de 20 millions par les deux constructeurs, Renault et Stellantis

Le ministre de l’Economie explique qu’il entend ainsi « soutenir » la filière fonderie automobile, au sein de laquelle 15.000 emplois sont menacés.

Une saignée sociale justifiée par le ministre de l’Economie, au nom « de la révolution électrique », « de le course à la réduction du poids des véhicules », etc…

En réalité, les constructeurs français sont engagés depuis longtemps dans des stratégies visant à augmenter leurs marges, y compris en favorisant l’émergence de véhicules toujours plus puissants, toujours plus lourds, toujours plus chers (le prix des voitures neuves a augmenté de 40 % entre 2001 et 2018) ! 

Et la “révolution électrique” n’a pas pour objectif de renouveler un parc très vieillissant en France et en Europe (les achats de véhicules neufs concernaient 60 % des ventes en 2001 contre 40 % en 2018, le solde étant des véhicules d’occasion… du fait d’un pouvoir d’achat des ménages en baisse), mais de vendre des véhicules à plus forte marge.

Le fonds ainsi mis en place s’apparente plus à un plan d’accompagnement de suppressions d’emplois, qu’à un plan de soutien à une filière menacée par les stratégies des grands groupes automobile, qui ont d’ailleurs touché énormément de fonds publics en 2020 : 7 milliards pour Renault, 4 milliards pour PSA.

Car ces grands donneurs d’ordre que sont les constructeurs, n’ont en vérité qu’un objectif : faire fabriquer les pièces de fonderie (fonte, mais aussi aluminium) dans des pays « à bas coût », pour augmenter leurs marges. Quitte à falsifier la réalité sur leurs motivations !

Et Renault, entreprise dont l’Etat reste un actionnaire important, se place en chef d’orchestre de cette stratégie de liquidation de la sous-traitance en France et particulièrement de la filière fonderie, dont 20 % du chiffres d’affaires seulement doit rester en France, selon les recommandations de la « plateforme automobile », organisme fédérant la filière automobile, constructeurs et équipementiers, présidée par M Luc Chatel

L’essentiel des fonderies en difficulté est lié ( directement ou indirectement, à Renault. C’est le cas de la SAM Vivez (Aveyron), des fonderie du Poitou Ingrandes (Aluminium et fonte), de MBF Aluminium à Saint-Claude (Jura), mais aussi de la Fonderie de Bretagne, qui est une fonderie intégrée de Renault dont le constructeur souhaite se séparer, malgré une chaîne de production quasiment neuve.

La France a besoin de fonderie automobile (fonte et aluminium) pour son propre marché. Encore faut-il que les constructeurs cessent de faire fabriquer tout ou partie de leurs véhicules destinés au marché français et frontalier à l’autre bout de l’Europe (Turquie, Roumanie,etc…), voire à l’autre bout de la planète (Chine notamment), avec d’immenses gâchis écologiques et sociaux.

Un exemple : une culasse en aluminium pour un véhicule Renault est fabriqué en Bulgarie pour être montée sur un moteur à Cléon, lequel sera assemblé au véhicule en Espagne… avant de revenir sur le marché français. Les deux véhicules français les plus vendus sur notre marché (208 Peugeot et Clio Renault) sont exclusivement fabriqués à l’étranger.

Autre aberration : une des usines qui fabrique la Clio (Turquie) fonctionne avec l’électricité produite par des centrales à charbon. Et Renault décide de produire son véhicule à bas prix en Chine.

En outre, contrairement aux affirmations des donneurs d’ordres et du gouvernement, tous les véhicules, thermiques comme électriques, auront encore besoin de pièces en fonte de nombreuses années encore.

Et le tout-électrique est pour le moment une chimère, alors qu’il est possible de développer des alternatives pour les moteurs thermiques et travailler à développer les moteurs à base thermique (hybrides)

A contrario des décisions politiques du gouvernement, qui laisse les deux grands groupes industriels français délocaliser leurs productions et affaiblir toute la filière fonderie, le PCF propose de développer une stratégie nationale et européenne pour la filière automobile, dégagée des exigences de rentabilité, soucieuse des besoins de déplacements des familles et des salariés et à la hauteur de l’urgence climatique.

Il faut un vrai débat, associant les salariés et les organisations syndicales, sur les choix industriels à opérer, pour répondre aux besoins populaires, avec le développement de véhicules favorisant la diversification des technologies (thermiques, hybrides, électriques).

Il est également nécessaire de rééquilibrer la production automobile et produire plus en France : les chaînes sont chargées à 140 % à l’échelle de la planète, ce qui veut dire que certaines tournent 7/7, alors qu’elles ne tournent qu’à 70 % de leurs capacités en France

L’Etat actionnaire doit par ailleurs peser pour engager une baisse des marges des constructeurs et favoriser une baisse des prix des véhicules, notamment pour permettre un renouvellement du parc, avec des véhicules plus adaptés aux budgets des familles, aux besoins de déplacements et plus écologiques.

Enfin, il faut que la politique, à l’échelle de l’Etat mais aussi dans les entreprises de toute la filière, y compris dans la fonderie, permette de faire prévaloir des choix répondant à l’intérêt des salariés, des consommateurs et du pays.

De ce point de vue, comment l’Etat peut-il continuer à soutenir à coups de milliards des multinationales comme Renault et Stellantis, sans demander de comptes, sans conditionner ses aides à des engagements précis en terme d’emplois, en terme d’investissements pour la modernisation des outils de production, etc.

Monsieur le député, il en va de notre indépendance industrielle et l’avenir de notre bassin d’emploi, je vous propose que nous en débattions publiquement avec la présence des organisations syndicales des fonderies d’Ingrandes sur Vienne.

Veuillez agréer, Monsieur le député, l’expression de mes sincères salutations.

Jean-Louis Moreau

Co-secrétaire section PCF du Châtelleraudais

 

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