Écologie Énergie

Éoliennes dans la Vienne : solution écologique ou arnaque capitaliste ?

Depuis plusieurs années nous voyons fleurir dans la campagne de la Vienne de nouveaux types d’arbres bétonnés venant faire de l’ombre aux forêts. Les mairies et les citoyens semblent bien impuissants face à l’envahisseur. L’affaire conclue pour le montage d’une éolienne est de l’ordre du privé, entre un promoteur et le propriétaire d’un terrain et lorsqu’une mairie s’oppose à la construction, c’est la préfète qui l’autorisera finalement. Des pylônes métalliques à l’esthétique discutable poussent alors un peu partout où un propriétaire a bien voulu céder ou louer son terrain contre une rente.

À n’en pas douter, ce choix semble très intéressant financièrement pour le propriétaire. En effet la location de la terre pour implanter une éolienne (1-2 hectares environ) pourrait rapporter environ 6 000€ par an et donc 180 000€ sur la durée de vie du bail de production (30 ans). Le promoteur, lui, tire les bénéfices de la production de l’éolienne. Le capitaliste avisé se dira alors : pourquoi ne pas acheter 2 hectares de terre agricole qui coûteraient 15 000 à 30 000€ ? C’est là que ça devient intéressant.

Commençons l’histoire au début : pour avoir une éolienne, il faut la construire et donc un investisseur, car nous sommes dans un système capitaliste et libéral où l’état a depuis longtemps abandonné toute stratégie en matière d’énergie. Cet investisseur doit alors mettre sur la table environ 2 millions d’euros pour la construction de l’éolienne qui lui rapportera environ 350 000€ annuellement. En effet, EDF est forcée de racheter au promoteur 2 fois le prix réel du kilowattheure pendant 15 ans. L’affaire est rentable sauf pour EDF qui achète deux fois plus cher ce qu’il va devoir essayer revendre au consommateur. Certains y verront une forme de détournement d’argent public, mais nous ne sommes pas de ses personnes qui remettent en doute l’honnêteté de nos dirigeants. Donc l’investisseur investit 2 millions d’euros et empochera 10,5 millions sur les 30 années d’exploitation de l’éolienne, soit un bénéfice net de 8 millions d’euros.

Mais à la fin de la durée de vie de l’éolienne, l’état oblige le démantèlement et le recyclage de l’éolienne. Par conséquent le promoteur devrait débourser environ 400 000€. Si l’affaire reste encore largement rentable pour le promoteur, il sera plus avantageux pour lui de mettre sa société (par exemple une filiale montée pour l’occasion) en faillite à l’issue des 15 années de tarifs réglementés et avant l’obligation de démantèlement. C’est là que l’investisseur retombe sur ses pieds en ayant fait le choix de la location du terrain puisque le démontage et le recyclage du pylône sera alors à la charge du propriétaire du terrain ! Pour celui-ci, souvent un agriculteur, la rente totale de 180 000€ semblera bien mince devant le prix du démantèlement.

On peut donc largement imaginer qu’à la fin de leur vie de nombreuses éoliennes seront laissées à l’abandon faute de moyens pour les démonter du côté des propriétaires ou bien que cela sera finalement supporté par l’argent des impôts.

Vous vous direz alors : « bon d’accord, c’est une opération financière, mais mine de rien c’est tout de même un acte écologique ? » Nous aurions donc enfin découvert le fameux « capitalisme vert ». Oui, le vent est gratuit, renouvelable et le vent ne pollue pas. Ça semble séduisant dans l’absolu, mais cela pose tout de même quelques problèmes.

L’objectif de cet article n’est pas de faire le procès de l’éolien […] mais bien le procès du capitalisme

Les éoliennes ne produisent que lorsqu’il y a du vent. Les éoliennes ne produisent pas lorsque le vent est trop fort, lorsqu’il fait trop froid ou trop chaud. Selon RTE, une éolienne produit entre 22 % et 24 % de sa capacité (si elle tournait tout le temps de manière optimale). Les éoliennes ne produisent donc pas de façon régulière tandis que la consommation d’électricité est au contraire très régulière (on connaît bien les pics de consommation quotidiens et saisonniers). Par conséquent il faut un moyen de production d’énergie pilotable pour combler les manques quand l’éolienne ne produit pas et soulager le réseau quand l’éolienne tourne. L’Allemagne, qui a bien davantage développé son parc éolien que la France, a dû dans le même temps conserver ses centrales à charbon et a même développé celles à gaz, très émettrices de CO2, mais faciles à arrêter et redémarrer. En France nous avons beaucoup de centrales nucléaires, le problème est qu’il n’est pas possible d’arrêter une centrale nucléaire et de la redémarrer en fonction du vent. En dehors des barrages hydro-électriques (dont on considère le potentiel installable en France déjà occupé à 90%), il est impossible de stocker massivement de l’électricité que l’on peut mobiliser ou suspendre instantanément et sans émission importante de gaz à effet de serre.

Selon RTE, la France, dont moins de 4% de l’électricité consommée provient de l’éolien, a émis en 2014 près de 19 millions de tonnes de CO2 avec l’ensemble de son parc de production d’électricité. Cette même année, l’Allemagne, dont 13% de l’électricité provient de l’éolien, a émis près de 350 millions de tonnes de CO2 (18 fois plus qu’en France) avec l’ensemble de son parc de production d’électricité. Le pari ne semble donc pas gagnant en terme d’émissions de CO2. Et c’est sans parler du problème de l’occupation du sol (de l’ordre de100 fois plus que pour produire autant en électricité nucléaire).

L’objectif de cet article n’est pas de faire le procès de l’éolien, qui reste intéressant s’il vient remplacer une énergie fossile dans un système capable de fournir par ailleurs une énergie décarbonée pilotable et suffisante (ce qui n’est pas le cas de la France), mais bien le procès du capitalisme. Dans le système actuel, en France et dans les conditions techniques actuelles, l’éolien est bien davantage une arnaque capitaliste qui pille EDF et le contribuable qu’une solution écologique.

Si le nucléaire a beaucoup d’avantages il n’est pas non plus une solution miracle et l’on doit signaler ces travers : l’uranium exploité est extrait dans des pays où les intérêts impérialistes français sont évidents et la présence militaire française omniprésente comme au Mali ou au Niger. Les déchets ne constituent pas un défi technique immense mais posent des difficultés logiques à leur « voisinage » potentiel. Enfin on ne peut pas ignorer que les accidents nucléaires sont certes extrêmement rares, mais catastrophiques.

Les solutions énergétiques ne viendront pas des capitalistes dont le seul objectif est la rentabilité de leurs investissements. Parmi les conditions indispensables à toute solution figureront : une énergie 100 % publique qui couvre les besoins, des économies d’énergies très importantes (logement, transports et relocalisations notamment), une planification démocratiquement choisie et éclairée par la science.

Fabien Lecomte, PCF Sud Vienne

3 commentaires

  • Aérogénérateur de Saint-Rémy-des-Landes

    L’aérogénérateur de Saint-Rémy-des-Landes est une ancienne installation électrique située à La Haye, dans la commune déléguée de Saint-Rémy-des-Landes.

    Il s’agit d’une des toutes premières éoliennes construites sur le territoire français.

    Contexte
    Dans les années d’après-guerre, dans le contexte de la Guerre froide, les budgets pour la recherche technologique sont bien dotés. Il existe une claire volonté de trouver des moyens alternatifs de produire de l’électricité. Pour preuve l’organisation en septembre 1946 du premier Congrès du Vent qui permet de cartographier les gisements éoliens en France et de faire le point sur les possibilités techniques de ce type d’énergie

    Cette période coïncide avec la création d’une entreprise nationale : Électricité de France (EDF). Pierre Ailleret crée la Direction des études et recherches (DER), pôle de recherche au sein d’EDF, et la Division énergie du vent (DEV) dirigée par André Argand

    Saint-Rémy-des-Landes pionnière de l’éolien
    La DEV entame rapidement une collaboration avec l’entreprise grenobloise Neyrpic, leader mondial dans le domaine de l’hydro-électricité. Deux prototypes sont alors mis au point par Louis Vadot à Saint-Rémy-des-Landes dans le Cotentin, zone côtière particulièrement sujette aux coups de vent.

    La première machine est dotée d’une hélice tripale de 21 mètres de diamètre et dégage 132 kW de puissance. Les essais ont lieu entre 1959 et 1966 et la machine fonctionne et produit près de 700 000 kWh

    Vadot construit une seconde machine, plus puissante. L’hélice à trois pales trapézoïdales en résine synthétique a un diamètre de 35 mètres et est à calage variable commandé hydrauliquement[2]. Elle démarre automatiquement pour un vent de 8 m/s, reste à calage fixe jusqu’à 650 kW et régule ensuite pour plafonner à 1 000 kW sous un vent de 17 m/s. La puissance maximale atteinte est de 1 085 kW. Cette machine possède deux trains d’engrenages et s’oriente spontanément « en girouette ». La génératrice asynchrone 1 015 tr/mn, 3 000 V est décalée par rapport à l’hélice. L’ensemble des mécanismes est supporté par un pylône en treillis.

    Cet aérogénérateur fonctionne pendant sept mois industriellement et produit en dépit de nombreux problèmes techniques 500 000 kWh dont 220 000 au cours du seul mois de novembre.

    En 1966, un dernier incident contraint l’arrêt permanent des essais. Cette décision intervient alors que l’énergie nucléaire apporte, semble-t-il, plus de garanties.

    La première machine est ferraillée en 1966 et la seconde machine, de 1 000 kW, est démontée puis reprise par Neyrpic

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