Lecture

Des livres pour l’été

À acheter dans des librairies indépendantes.

Romans

Leïla Slimani ; Le pays des autres , Folio Gallimard, 7,30 €

 En 1944, une jeune Alsacienne s’éprend d’Amine Belhaj, un Marocain combattant dans l’armée française. Après la Libération, le couple s’installe au Maroc près de Meknès dans le domaine de terres ingrates qu’Amine s’efforce de mettre en valeur. Mathilde, isolée avec ses deux enfants, souffre de la méfiance à la fois de sa belle-famille,des colons et du manque d’argent. Tous les personnages de ce roman vivent dans « le pays des autres » : colons, indigènes, femmes dans le patriarcal pays des hommes… Les dix années que couvre ce roman sont aussi celles d’une montée inéluctable des tensions et des violences qui aboutiront en 1956 à l’indépendance de l’ancien protectorat. Dans cette grande fresque inspirée de son histoire familiale (qui devrait être suivie de deux autres titres) l’auteure fait revivre une époque et ses acteurs avec humanité et un sens très subtile de la narration. Un livre très attachant !

 

Jean-Richard Bloch : Le vieux des routes, Le Carrelet éditions, 13 €, introduction par Alberto Manguel et postface d’Alain-Quella Villéger

« Le soir même, la France apprenait que la peste avait officiellement éclaté dans la capitale de l’Ouest ». L’auteur imagine en 1911 à Poitiers une épidémie dévastatrice. L’actualité sanitaire offre une caisse de résonance inattendue au « Vieux des routes », à son écriture d’une grande efficacité narrative. Pour Jean-Richard Bloch, grand intellectuel engagé du XXème siècle (et poitevin) un tel fléau doit poser les bases d’un monde nouveau, à la différence d’Albert Camus dans « La peste ».

 

Roman noir

Camilla Grebe, L’archipel des lärmes, Livre de poche, 8,70€

Une nuit de février 1944 à Stockholm, une mère de famille est retrouvée morte chez elle, clouée au sol et 30 ans plus tard plusieurs femmes subissent le même sort. À chaque époque, une policière se démène pour enquêter mais cette traque se révèle dangereuse. Magistralement construit, ce polar nous fait traverser les décennies suédoises en compagnie de femmes hors du commun, avides de justice… Un suspense renversant !

 

Bandes dessinées et romans graphiques

Alex W. Inker, Fourmies la rouge, Sarbacane, 19,50 €

Originaire de Fourmies dans le Nord, le dessinateur rend un magnifique hommage à sa ville et aux victimes de la fusillade du 1er mai 1891 qui coûta la vie à 10 ouvriers en grève… En écho à la répression des manifestations de Chicago en 1886, cette tragédie fonde la création de la journée de lutte pour les droits des travailleurs. Pour retranscrire la violence, le dessinateur a utilisé la plume et le rouge et le noir dans l’esprit des illustrations de presse de l’époque… Une réussite absolue pour célébrer le 130ème anniversaire de Fourmies qui a offert à l’auteur (et au lecteur) « une grille de lecture sur les mouvements sociaux actuels ». Elle illustre les dérives du capitalisme, les alliances entre le pouvoir industriel et l’État pour la répression, les relations dominants-dominés.

 

Benoît Collombat et Damien Cuvellier (Préface de Ken Loach ), Le choix du chômage. De Pompidou à Macron, enquête sur les racines de la violence économique, Futuropolis, 26 €

Ce roman graphique du grand reporter à France Inter, illustré par Damien Cuvellier, passe au scalpel 40 ans de mise au pas idéologique, dévoile les racines de la violence économique actuelle et analyse la victoire d’une idéologie, le libéralisme dont la forme actuelle, le néolibéralisme, utilise l’État au service du marché en s’appuyant sur l’idée que l’on ne peut pas faire autrement. Fondé sur un énorme travail de recherche et de nombreuses participations éclairantes comme celle du porte-parole du Mouvement national des chômeurs et précaires : « Si l’on veut que les actionnaires continuent de très bien gagner leur vie […] et si l’on veut que les salariés ferment leur gueule…il faut beaucoup de chômeurs et de précaires. ». Ce livre est essentiel grâce à l’apport de l’illustration qui rend les idées plus claires !

 

Idées

Marie-Monique Robin avec la collaboration de Serge Morand La fabrique des pandémies, préserver la biodiversité, un impératif pour la santé planétaire, La Découverte, 20 €

Ce livre, s’appuyant sur les avis de 60 scientifiques montre qu’ « il faut changer nos modes de vie occidentaux, remettre en cause le système économique. Car le meilleur antidote à la prochaine pandémie, c’est la préservation de la biodiversité » et « cela passe aussi par la réduction de la pauvreté dans le monde car nous avons un système économique fondé sur les profits illimités sans jamais tenir compte des dégâts causés à l’environnement et dont souffre une majorité de gens ne profitant pas de ces activités économiques : 28 milliardaires dans le monde possèdent autant que 3,5 milliards d’autres personnes. On voit bien le problème ! » (Interview dans l’Humanité dimanche du 11 au 17 février 2021)

 

Beau livre

Lyonnel Trouillot, Ernest Pignon Ernest, Bruno Doucey éditions, Tu aurais pu vivre encore un peu, 25 €

Lyonnel Trouilot est un écrivain Haïtien , Ernest Pignon Ernest artiste plasticien et peintre. Ensemble, ils donnent vie à l’ami Jean Ferrat bien trop tôt disparu le 13 mars 2010. L’écrivain qui ne le connaît que par ses chansons et le plasticien qui fut son ami lui offrent ce bel hommage où les mots accompagnent les dessins. L’ensemble donne un livre magnifique et émouvant faisant écho à la période actuelle où nous devons toujours résister, dénoncer ce monde de malheur que, comme Ferrat, nous voulons changer au nom de l’idéal qui le faisait combattre et qui nous pousse encore à nous battre aujourd’hui.

 

Jeunesse

Collection Ceux qui ont dit non, Actes Sud junior, Adolescents : 48 livres qui présentent des femmes et des hommes qui ont contesté un ordre établi injuste et ont su en proposer un autre qui abolisse les discriminations et rétablissent plus de justice et de fraternité comme Jaurès, Hugo, Louise Michel, Neruda, Angela Davis et 43 autres…

Françoise Poteau

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