Ce vendredi 3 avril, plusieurs actions ont été menées à Poitiers par le monde de la culture et les précaires. D’abord une manifestation devant Pôle Emploi près de la gare, contre la réforme de l’assurance chômage qui va les impacter brutalement. Ensuite, une occupation de l’antenne de Poitiers de la Direction régionale des Affaires culturelles (DRAC), alors que les instances dirigeantes de toutes les DRAC étaient en réunion visioconférence avec le ministère, une aubaine qui ne fallait pas manquer !
Durant ces actions, les manifestants étaient soutenus par des camarades des Deux-Sèvres qui sont venus prêter main-forte et partager leurs expériences d’occupation et d’organisation du site du Moulin du Roc à Niort. Le mouvement d’occupation du TAP travaille à la convergence des luttes dans le territoire, le lien aux combats d’autres corps de métier et branche sociale (les fondeurs, les AED, les hospitaliers, retraités, etc.). C’est dans ce cadre que nous avons rencontré Sébastien Coutant, comédien, salarié, intermittent du spectacle et porte-parole de la CGT Spectacle.
Vienne Démocratique : Sébastien, actuellement tu es l’une des figures de la mobilisation et de l’occupation du Moulin du Roc à Niort. Pourquoi une délégation des Deux-Sèvres est aujourd’hui à Poitiers ?
Sébastien Coutant : Nous sommes ici aujourd’hui pour soutenir les collègues de Poitiers qui avaient une action devant le Pôle emploi à la gare contre la réforme d’assurance chômage. Partout en France, il y a plus de 90 lieux culturels occupés par des précaires du spectacle et d’autres métiers. Nous demandons une protection d’assurance chômage pour tous les salariés et travailleurs du pays quelles que soient leurs situations professionnelles. Il faut impérativement permettre à ceux qui n’ont pas pu travailler depuis un an (lieux de travail fermés, pas de politique publique de l’emploi, etc.) de bénéficier d’une assurance chômage et de vivre dignement. Derrière la question de cette réforme il y a en réalité toute la question de droits sociaux. Si on prend l’exemple du monde du spectacle, il y a des ruptures de ces droits avec des personnes qui n’ont plus accès aux indemnités de maladie, de maternité, etc. Il y a des gens qui se retrouvent dans une réelle misère, c’est pour cela que la CGT spectacle alerte depuis des mois sur cette situation sans aucune réponse apportée par les politiques et dirigeants. Par ailleurs, il y a la question : qu’est-ce que nous voulons dans un pays qui a un héritage comme celui de 1945 (Programme du conseil national de la Résistance) ? Avec la décentralisation dramatique, une politique publique qui veut donner accès aux belles œuvres de l’esprit à tout le monde, etc. Aujourd’hui il y a un abandon complet de ce secteur alors que nous pourrions recréer du lien social, des échanges et que la production artistique ne s’arrête pas quand on ferme des lieux de spectacle. Les travailleurs du spectacle doivent pouvoir continuer à travailler, retrouver des salaires et des publics.
VD : Suite aux déclarations gouvernementales de mercredi soir, comment vois-tu le futur de la lutte dans le mois qui arrive ?
SC : Je ne sais pas, en tout cas il faut continuer à lutter. La situation des hôpitaux aujourd’hui montre que l’austérité, l’abandon du service public de la santé sont de très mauvaises choses. Défendre les services publics de santé autant qu’un service public de la culture ce sont des combats indispensables. Nous voyons bien que le président des riches prend des orientations qui servent le capital et c’est aux précaires de payer… Il y a plus d’un million de chômeurs qui vont se retrouver pénalisés avec la réforme d’assurance chômage et notamment les plus précaires d’entre eux, c’est-à-dire ceux qui ont des emplois discontinus. C’est sur les précaires que le gouvernement va faire 2 milliards d’économies, alors que le CAC 40 se porte tranquillement en continuant d’engranger des dividendes. C’est un choix idéologique et politique, il faut donc continuer la lutte avec des formes qui seront décidées lors des différentes assemblées générales. On va se débrouiller mais on ne lâche rien. On va continuer à résister !
VD : Dans l’espoir du retour des jours heureux et des lendemains qui chantent, quel message d’espoir veux-tu faire passer ?
SC : Tu viens de citer Les Jours Heureux qui est le titre du Conseil National de la Résistance (CNR). Offrons-nous les jours heureux, lisons ce programme. Ces camarades avaient les fusils pointés sur eux, qu’ils inventaient déjà un monde meilleur qu’ils ont réalisé en partie. C’est cet héritage que Macron, comme Sarkozy avant lui, comme Hollande n’ont pas pu s’empêcher de détricoter, défaire et attaquer au bazooka. Nous voulons ce programme du CNR !
Entretien réalisé par Sam Franceschi