Entretiens International

Rencontre avec Rashed Altsatouf, militant communiste syrien

Axel Amiaud

Accueillie dans son appartement de Poitiers avec un café et quelques spécialités et grâce à la traduction simultanée d’Hassan Abd Alrahman, son ami musicien, j’ai pu écouter le récit de Rashed Altsatouf, communiste syrien. Après un courte présentation de la Vienne Démocratique, Rashed s’est raconté.

Il est né à Raqqa, au nord de la Syrie. Dans les années 70, il a commencé sa vie politique en participant à la création d’un nouveau mouvement politique issu de nombreuses cellules locales dans toute la Syrie qui s’opposaient au régime dictatorial et aux autres mouvements dits communistes existants. Courant révolutionnaire et critique envers le communisme soviétique stalinien, c’est un courant indépendant des mouvements nationalistes dans le monde arabe et de partis communistes classiques alliés à ces régimes. Cette Ligue répondait à une grande crise dans le Parti Communiste traditionnel plus ou moins proche de l’URSS et allié au régime en place mais non progressiste, ce qui n’était pas la bonne réponse.

La Ligue d’Action Communiste luttait à la fois contre le régime et les frères musulmans

En 1976, ces discussions marxistes ont abouti à créer un nouveau parti politique, La Ligue d’Action Communiste qui a pour premier objectif de faire tomber le régime. Dans ces années là, les événements politiques dans la région sont nombreux : la guerre civile au Liban qui opposait la gauche et la droite, le conflit israélo palestinien et le régime syrien a alors attaqué cette gauche libanaise et fait suivre les représentants de la Ligue pour les emprisonner. L’autre danger était la création des Frères Musulmans devenus très actifs, militarisés. La Ligue d’Action Communiste luttait à la fois contre le régime et les frères musulmans et en priorité contre les Frères Musulmans tout en discutant et restant en contact avec d’autres branches de communistes syriens plutôt nationalistes qui apparaissaient. La Ligue était alors convaincue de poursuivre dans un parti indépendant et communiste créé en 1981 au Liban.

Les axes principaux de luttes de ce parti communiste syrien sont à propos de la liberté, des intérêts des classes populaires et du droit des Kurdes à l’autodétermination, la lutte contre l’impérialisme alors que le régime se disait anti impérialiste mais en réalité ne l’était pas, la lutte pour la démocratie et le changement de régime et défendre une solution démocratique au conflit israélo-palestinien fondé sur le principe d’un seul état démocratique, laïc pour les arabes et les juifs. Il prend position contre l’URSS bureaucratique voulant transformer sa politique qui pour eux n’était pas communiste et garde ses distances avec les autres partis syriens plus ou moins alliés au régime ou proches des Frères Musulmans.

Dans les années 81/82, le régime a tenté de se rapprocher de leur parti car il était prioritairement opposé aux Frères Musulmans mais c’est un échec parce qu’ils ont refusé de discuter avec ce régime qui n’était pas démocratique. Rashed devient membre du Comité Central en 1982 mais le régime syrien ayant découvert son identité le recherche à partir de 1984 où il doit vivre clandestinement. Il est pourtant arrêté en 1987 par les services de sécurité secrets syriens très efficaces. Resté à Damas dans un centre d’interrogatoire pendant un an, Rashed et les membres du Comité central ont été transférés à Palmyre, le premier centre de rétention de Syrie, le plus dur, où la torture étaient courante. Pendant 5 ans, sa famille n’avait pas de nouvelles puis il fut ensuite transféré à nouveau dans la tristement célèbre prison de Sednaya, condamné à 15 ans de prison et libéré à la fin de l’année 2001.

Cette rencontre si riche donnera par la suite des développements sur la situation politique de la Syrie aujourd’hui, après la chute du régime de Bachar al-Assad. Le regard d’un syrien communiste en France promet d’être particulièrement intéressant.

Sylvie Blossier

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