D’ici le 8 mars, La Vienne Démocratique publie en 5 épisodes et à raison d’un épisode par semaine l’intervention publique de Françoise Poteau, prononcée le 8 mars 2020 en Sud Vienne à l’invitation du Parti Communiste et Front de Gauche, et actualisée en 2021.
Partie 5 : Quatre combats à mener encore et toujours !
Les règles ne sont pas une marque d’infamie :
Selon des psychanalystes un des aspects qui contribua très vite à l’infériorité sociale des femmes et servit de prétexte à l’opprobre, ce sont les règles : il y a peu encore dans certaines civilisations (en Inde par exemple) dans des villages les femmes étaient enfermées dans une cabane pendant leurs règles et, en France au début des années 60, j’ai été très choquée lorsque j’ai entendu pour la première fois le mot « ragnagnas » que je ne connaissais pas et que j’ai trouvé extrêmement péjoratif et grossier ! Ma mère ne l’employait pas mais ne m’avait pas avertie de ce qui allait m’arriver et quand j’ai eu mes règles, elle m’a interdit de grimper aux arbres et de courir désormais, mais surtout, prévenue de me méfier des hommes ! Aujourd’hui encore, des hommes lorsque leur femme est en colère (parce qu’ils ne participent pas aux travaux ménagers) demandent si elle a ses règles ! Aujourd’hui encore, la précarité menstruelle est un fardeau pour les femmes précaires, les étudiantes (c’est cher les garnitures ou les tampons !), y compris en France (à Poitiers la ville en a mis à disposition au CCAS et l’ Université a fait de même). Sur proposition d’une députée travailliste, le parlement autonome écossais a voté leur gratuité…
Acceptation des personnes LGBTQI+ et considération des femmes en particulier par les religions, les institutions, les lois et dans la sphère intime.
Les religions (les 3 religions monothéistes et leurs avatars) ont joué un rôle immense dans cet ostracisme envers les femmes et ce encore aujourd’hui. Même si le protestantisme (en Europe la religion la plus ouverte, car héritage républicain et résistant mais aux USA, les sectes protestantes ont soutenu Trump) a des pasteurs femmes, que la religion juive a des rabbines et les musulmans ont des femmes imams… Mais il n’y a qu’à lire les choix du Pape actuel en ce qui concerne le non accès des femmes à la prêtrise et surtout la position de l’église catholique sur la contraception et l’avortement et sa non acceptation des personnes LGBTQI+ … des positions qu’on retrouve dans presque toutes les religions avec des variantes.
L’égalité dans le travail (notamment les salaires) et dans la famille, au sein du couple, sont encore des combats à mener
S’attaquer au goût du pouvoir :
Comme les radicaux sous le Front populaire, beaucoup d’hommes politiques, patrons, mandarins en médecine etc …ne sont pas prêts à partager le pouvoir.
La cérémonie des Césars en 2020 l’a montré comme l’a écrit dans Libération l’écrivaine Virginie Despentes s’adressant à ceux qui veulent conserver leur pouvoir sur les femmes : «La loi vous couvre, les tribunaux sont votre domaine, les médias vous appartiennent […] ça vaut pour le viol, ça vaut pour les exactions de votre police, ça vaut pour les Césars, ça vaut pour votre réforme des retraites. C’est votre politique : exiger le silence des victimes. […] La différence ne se situe pas entre les hommes et les femmes mais entre dominés et dominants.»
Éradiquer les féminicides :
Au début août 2021 on comptait déjà plus de 100 féminicides en France depuis le début de l’année. Un est particulièrement emblématique ; celui de Chahinez Daoud, brûlée vive par son ex compagnon en mai 2021 en Gironde. Le policier qui avait «pris» sa plainte avait lui-même été condamné pour «violences intrafamiliales habituelles» !!! D’après Mediapart, la plainte n’a que partiellement été enregistrée et la grille d’évaluation de danger mal renseignée… et elle en est morte ! Et ce ne sont pas, en août 2021, les dernières directives d’un Darmanin (qui a lui même des casseroles en ce qui concerne son comportement vis à vis des femmes, casseroles qui semblent tombées dans l’oubli de la justice) qui seront suffisantes et en particulier parce que ni les moyens nécessaires ni la volonté d’agir n’y sont présentes!
Nous sommes donc au carrefour des luttes féministes et des autres luttes, selon la chercheuse Aurore Koechelin, pour laquelle le féminisme noue de nouveaux liens avec les luttes sociales, économiques, antiracistes et écologistes en France mais aussi dans le monde : lutte contre les féminicides et les pesticides en Amérique latine, combat pour l’égalité des salaires en Islande ou encore grève de millions d’espagnoles le 8 mars 2019 !
En effet, la lutte pour l’émancipation des femmes est inséparable de la lutte contre le capitalisme. Un exemple encourageant est celui de l’Irlande où le Sinn Fein, parti qu’on qualifierait en France de «vraie gauche», avait obtenu la possibilité de l’avortement dans ce pays très catholique en 2018, «un moment important pour les femmes et la société irlandaise en général» avait déclaré sa présidente, Marie Lou Mc Donald. Le Sinn Fein a su également porter les priorités des Irlandais, en particulier la défense du logement, de la santé, de la retraite…
En France, l’année 2021 a vu la lutte jusqu’à la victoire des femmes de ménage de l’Hotel Ibis des Batignoles à Paris. Femmes, d’origine immigrées, presque toutes noires et en proie au racisme, exploitées, sous payées, mal considérées. Leur lutte, au carrefour de toutes les luttes, a rencontré de nombreux soutiens et elles ont réussi !
Bibliographie : principaux ouvrages lus
Simone de Beauvoir, toute son œuvre mais surtout Le 2eme sexe, Folio , 2 volumes, 10,90 € l’un
Nina Bouraoui, Otages, JC Lattès, 18 €
Annie Ernaux, toute son œuvre mais surtout : La place, Folio 5,70 €, Une femme, Folio, 6,90 €, Les années, Folio, 8 €, Mémoire de fille, Folio, 6,90 et un article dans Zadig de décembre de 2019
Aurore Koechelin, La révolution féministe, Éditions Amsterdam, 12 €
Titiou Lecocq, Les grandes oubliées, pourquoi l’Histoire a effacé les femmes ? Éditions l’Iconoclaste, Préface de Michèle Perrot, 20,90 €
Victoria Mas, Le bal des folles, Albin Michel, 18,90 €
Pierre Outteryck, Martha Desrumaux, Une femme du nord, ouvrière, syndicaliste, déportée, féministe. Editions du Geai bleu, 25 €
Michelle Perrot, (historienne dont les travaux sur la classe ouvrière précèdent ses travaux sur les femmes), en particulier Des femmes rebelles, Olympe de Gouges, Elyzad, 9,90 € et avec Françoise Héritier La plus belle histoire des femmes, Points Seuil, 7,39 €
Alain Quella-Villéger, France Bloch-Serazin , Une femme en Résistance (1913-1943), Éditions des femmes, Antoinette Fouque, 7€