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Gestion opaque et risques assumés : quand le département néglige ses compétences essentielles

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Les révélations du rapport de la chambre régionale des comptes

Le département de la Vienne a été récemment contrôlé par la Chambre régionale des comptes, équivalent à la Cour des comptes pour les collectivités territoriales. Elle contrôle les comptes et la gestion, détecte les infractions financières, contrôle les actes budgétaires et évalue les politiques publiques.

Son rapport nous a été restitué lors de la réunion du conseil départemental du 27 mars 2025.

À ma première lecture, j’ai été frappée par l’attention particulière que la Chambre régionale des comptes a consacrée aux participations du département dans diverses sociétés. Elle a minutieusement analysé les dispositifs financiers, ce qui lui a permis de mettre en évidence des points cruciaux, notamment l’endettement important du département et des irrégularités comptables. Ces éléments, détaillés plus loin dans le rapport, révèlent une situation financière préoccupante.

En 2015, les départements ont perdu leur compétence en matière économique. Dans la Vienne, les élu∙es de la droite départementale ont alors trouvé un moyen de poursuivre indirectement leur soutien à l’économie en prenant des participations dans des sociétés, souvent structurées à travers des montages financiers complexes, comme l’a relevé la Chambre régionale des comptes.

Elle estime que, concernant l’Aréna du Futuroscope, le département a sous-évalué les coûts des travaux et s’est lourdement endetté, révélant un manque de rigueur dans la gestion financière. Elle met également en lumière que les mécanismes utilisés, tels que le partenariat public-privé pour l’Aréna et le bail emphytéotique administratif lié au Futuroscope, souffrent d’un manque de clarté.

Par ailleurs, le département a effectué une avance sur loyer qu’il a inscrite comme une dette, alors que, selon la Chambre régionale des comptes, cette somme aurait dû figurer dans les actifs comptables. Ce choix a permis d’équilibrer artificiellement les comptes, une pratique dénoncée par la Chambre, qui pointe une gestion marquée par un manque de transparence.

Il convient de souligner que les membres de notre groupe, La Vienne en transition, sont entièrement exclu·es des instances administrant ces sociétés, ce qui rend notre mission de vigilance particulièrement difficile, si ce n’est quasiment impossible.

Ce rapport nous a permis de poser des questions gênantes, auxquelles le Président, manifestement mal à l’aise, a répondu de façon détournée, évitant ainsi de s’expliquer clairement sur les points soulevés lors de la réunion du conseil départemental.

Intervention du 27 mars 2025

Par exemple, la Chambre régionale des comptes dénonce une gestion problématique des finances liées au mois inaugural de l’Aréna Futuroscope. Sur un budget total de 852 172 € HT consacré à cette période, le département a engagé une participation de 300 000 € HT via un avenant de dernière minute, ajoutant ces dépenses au contrat initial signé avec l’exploitant de la salle. Cette somme, inscrite au compte dédié aux fêtes et cérémonies, ressemble davantage à une subvention déguisée qu’à une dépense légitime, d’autant plus que ces frais n’étaient pas prévus dans le cadre contractuel initial. Une fois de plus, le département semble privilégier des montages financiers flous, au détriment de la transparence et de la rigueur requises pour l’utilisation des fonds publics. Voilà une situation troublante qui mérite d’être dénoncée.

La Chambre régionale des comptes termine sa synthèse en alertant le département sur son niveau d’endettement important et en émettant des doutes sérieux quant à sa capacité à financer les missions prioritaires qui relèvent de ses compétences essentielles : les collèges, les routes, la solidarité, et autres services indispensables à la population. Cette mise en garde souligne une gestion marquée par des choix coûteux, des zones d’opacité et des projets dispendieux et aux impacts discutables, au détriment des responsabilités fondamentales du département, qui devraient rester sa priorité absolue.

Je tiens à préciser que l’Arena du Futuroscope, déficitaire de 8 000 € en 2022, a fait un bénéfice de 150 000 € en 2023, ce qui est plutôt bien pour une société qui exploite une salle de spectacles. En décembre 2024, j’ai demandé ce que ce bénéfice deviendrait et l’on m’a répondu que ce serait décidé au cours de la prochaine assemblée générale de la SAEMLPAT dont nous ne faisons pas partie. Ce qui est sûr, c’est que les investissements sont publics et les bénéfices privés : l’Arena du Futuroscope verse chaque année 750 000 € par an au Département, mais cela correspond à un remboursement des investissements. Et finalement, le Département aura investi 26,1 millions d’euros mais ne récupérera que 21,7 millions d’euros en trente ans si la société exploitante paie rubis sur l’ongle.

Le département entretient les bâtiments du Parc du Futuroscope via un budget annexe et perçoit également une sorte de loyer. Il est quand même à noter que la Compagnie des Alpes, premier actionnaire du capital du Futuroscope, a réalisé un bénéfice de 110 millions d’euros l’année dernière sur 570 millions de chiffres d’affaires générés par ses parcs d’attractions et a décidé de verser 1 € de dividendes par action.

Dans ce genre de « partenariat », le risque est toujours pris par l’argent public tandis que les bénéfices vont dans les poches du capital.

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