À l’initiative de l’Union locale CGT Poitiers, un voyage mémoriel a été organisé les 11 et 12 octobre 2024. Une trentaine de militants ont donc pris la route dans un contexte de banalisation de l’extrême droite et de danger à tous les étages du monde. Dans une tradition d’éducation populaire, que la CGT a si bien porté depuis sa création, ces deux jours avaient pour ambition de faire découvrir in situ, l’horreur de deux conflits mondiaux sur deux sites majeurs : Verdun et le mémorial du Struthof.
La halte sur le champ de bataille de Verdun a permis de mesurer la connerie qu’est la guerre. C’est un terrain lunaire qui nous accueille et les chiffres démesurés de cette bataille donnent le vertige : 4 obus tombés au m² sur une surface de 38 ha, plus de 300 000 morts et 400 000 blessés … La visite du fort de Douaumont fut impressionnante et là encore nous avons pu comprendre les conditions de vie des soldats, français et allemands, chair à canons des politiciens et des industries capitalistes. La phrase de Paul Valéry « la guerre, un massacre de gens qui ne se connaissent pas, au profit de gens qui se connaissent mais ne se massacrent pas » y trouvait tout son écho.
Comment des hommes ont-ils pu faire subir à leurs semblables autant d’atrocité, de déshumanisation ?
Pétain fut d’ailleurs le trait d’union pour la visite du deuxième site, le camp de concentration de Natzweiler – Struthof en Alsace. Seul camp sur le sol français (l’Alsace étant annexée par l’Allemagne). Nous y avons passé une journée entière, ce qui nous a permis d’appréhender la totalité du lieu, dans son histoire et son horreur. Pour nombre d’entre nous, même celles et ceux qui avaient déjà visité un camp, on peut dire que cette journée aura marqué les esprits, fait monter l’adrénaline, fait couler des larmes et causé quelques nuits agitées. Comment des hommes ont-ils pu faire subir à leurs semblables autant d’atrocité, de déshumanisation ?
Découvrant un filon de granit rose, les nazis, Himmler en personne, décident d’ouvrir un camp en 1941 pour exploiter une carrière. Des déportés y arrivent de toute l’Europe : entre 1941 et 1945 ils seront 52 000 dont 20 000 périront. Une extermination par le travail.
Puis le camp en lui-même nous a été raconté, en l’arpentant, par une guide exceptionnellement habitée par l’histoire et le lieu. Son ton juste nous a plongé dans cette folie meurtrière, le cynisme des nazis offrant une douche chaude aux nouveaux déportés en leur expliquant qu’ils bénéficiaient de ce « luxe » grâce à leurs copains qui brûlaient dans le four crématoire et chauffaient cette eau, les appels de 4 h avec obligation de décliner son matricule en allemand, les brimades, les chiens lâchés pour mordre les traînards, les pendaisons en public, les déportés épuisés au sol tués en leur brisant le crâne avec des pierres, les expérimentations médicales…
Lors de ce voyage, le syndicat CGT des territoriaux de Poitiers, a souhaité rendre hommage à deux grandes Résistantes poitevines. France Bloch-Sérazin, guillotinée à Hambourg, qui est enterrée dans la nécropole nationale de la déportation : une gerbe de fleurs en mémoire de son engagement communiste, mais surtout nous avions emporté de la terre de la Mérigote, ramassée par Nadine et Françoise ses petites filles lors d’une de leur venue à Poitiers, que nous avons dispersée sur sa tombe. Puis au crématoire, nous avons là-aussi déposé une gerbe en hommage à Édith Augustin, exécutée en 1944. Édith Augustin, dont le nom reste à jamais associé pour nous à une lutte : un service public portant le nom de cette grande Résistante ne pouvait pas fermer.
Patrick Amand