Ce film documentaire de François Perlier La vie recommencée a été projeté le 25 février en avant-première à Poitiers dans le cadre du Festival Filmer le travail. Ce film a été entièrement tourné à Poitiers et à Ruffec, son réalisateur François Perlier vit et travaille à Poitiers.
Dans un communiqué de presse le réalisateur1 fait part de ses intentions avec ce film :
« Il s’agissait pour moi de raconter des situations d’exil en dehors du tumulte des camps ou des « points chauds » médiatisés de la migration et de leur réalité tragique, trop souvent acceptée comme une fatalité. Lorsqu’on donne la possibilité aux personnes en exil de vivre décemment, avec un logement et des droits, ils s’engagent pleinement à faire leur place dans notre société. Une société qui en réalité a besoin d’eux, notamment pour accomplir certaines tâches. Le marché est simple : donner sa force de travail, et en échange, entrevoir la perspective de se réinventer une vie, offrir un futur meilleur à ses enfants.
Benedicta, Martha et Anibal ou Mohammed, comme la majorité des exilés, font partie de ces invisibles. Installés dans nos quartiers populaires ou nos campagnes, ils se battent en silence pour gagner une place sociale difficile à obtenir. Je veux témoigner de leurs vécus, faire reconnaître leur expérience et leur rôle dans la société, les humaniser en filmant des visages, en rapportant des paroles, et racontant des destins individuels saisissants.
Mes personnages ont des histoires et des origines bien différentes mais ils ont tous fui vers l’inconnu. Ils connaissent tous l’attente de papiers pendant des mois, la difficulté du déracinement, l’isolement culturel, la précarité économique, l’inactivité, créant une fragilité psychologique inévitable. Je fais le récit de ces parcours d’exil et d’installation qui montre l’importance de la formation et du travail, tremplins indispensables à ces gens pour reconstruire une vie. La rencontre avec des travailleurs sociaux, des professeurs, des bénévoles pour apprendre le français et se sociabiliser, permet d’espérer, de retrouver un relatif (ré)confort matériel et de prendre place dans la société. Mais pour des gens qui ne parlent pas français, ou dont les qualifications ne sont pas reconnues ici, l’accès au monde du travail signifie commencer tout en bas de l’échelle. Les exilés ne peuvent prétendre qu’à des métiers mal payés et peu valorisés. Les suivre m’amène à dépeindre l’environnement des emplois précaires. Ces boulots difficiles sont paradoxalement vecteurs d’autonomie et d’espérance. La rémunération même modeste, l’impression d’être utile et la reconnaissance sont autant de changements primordiaux.
Je raconte dans le film ces expériences professionnelles chaotiques, éreintantes, et tout à la fois vectrices d’amélioration des situations de vie. En racontant leurs histoires particulières, le film rend compte de cette universalité de l’enjeu – social, économique, psychologique – de l’emploi dans la vie. »
1. François Perlier. Diplômé du master de Réalisation Documentaire CREADOC, François Perlier a réalisé depuis 2010 des films documentaires indépendants ou pour la télévision, notamment Voukoum, tourné en Guadeloupe, plusieurs fois primé et programmé dans de nombreux festivals en France et à l’étranger, La dame du Pays Rouge et Le souffle de Martha, deux portraits de femmes militantes oubliées de l’Histoire. Son premier long-métrage documentaire, Les Âmes Bossales, tourné en Haïti, est en fin de production. Son premier court-métrage de fiction réalisé en 2015, Le cri du milan noir, a été sélectionné notamment au Festival du Film de La Rochelle et au Festival du Film de Montréal. Ses films racontent plus spécifiquement les combats culturels et politiques aux Caraïbes, le destin de personnes en exil ou celui de femmes en lutte à travers l’histoire ouvrière.