« Tout augmente sauf les salaires ! », la flambée des prix des matières premières : pétrole, gaz, électricité, bois, plastique, composants électroniques, alimentation… plonge des millions de personnes dans la difficulté et fait même craindre quelques révoltes aux capitalistes comme l’a récemment déclaré Stephen Shwartzman, PDG du fond d’investissement Blackstone.
C’est peut-être la peur d’un nouveau scénario à la sauce « Gilets Jaunes » qui a poussé le gouvernement Macron à tenter d’apaiser la colère avec son « chèque inflation ». 3,8 milliards y sont consacrés, c’est bien peu alors que le plan de relance prévoit 20 milliards d’exonération d’impôts sur les entreprises et que, sur le mandat, le taux supérieur de l’impôt sur les sociétés en France sera passé de 31 à 25 %… Rien n’est donc réglé car le gouvernement comme le patronat se refusent à augmenter les salaires : « Pas touche au Grisbi ! ».
La question du pouvoir d’achat revient sur le devant de la scène et, si les propositions des candidats à la présidentielle sont variées, on parvient clairement à distinguer le clivage gauche/droite avec d’un côté celles et ceux qui veulent augmenter les salaires en faisant payer le capital, de l’autre celles et ceux qui s’y refusent.
En revanche, si l’on s’intéresse à la question du prix de l’énergie, les choses deviennent bien plus floues puisque les factures dépendent du coût de production, des politiques publiques mais aussi du marché. On ouvre donc grand la porte du modèle énergétique, de l’organisation de la production, du rôle du service public… Si la nécessité d’une transition énergétique semble presque unanimement partagée, les modalités proposées sont pour le moins variées et les contradictions sont immenses y compris à gauche.
À ce titre, le dernier rapport très commenté de RTE sur l’avenir de l’énergie en France est intéressant et a le mérite de donner quelques repères. Il propose 6 scénarios qui permettraient d’atteindre la neutralité carbone avec comme nécessité de diminuer la consommation énergétique de 40 % d’ici 2050 et d’augmenter très significativement la part d’électricité et donc sa production.
tout programme sérieux et de gauche pour 2022 devra mêler décarbonation, économies d’énergie et maîtrise des prix
Si tous les scénarios impliquent une augmentation de la production d’énergies renouvelables, c’est celui qui consacre la part la plus importante à l’énergie nucléaire qui est de très loin le moins coûteux avec 59 milliards par an contre 80 pour le tout renouvelable. Plus de 600 milliards de différence sur 30 ans, sans parler du problème de l’artificialisation des terres…
De surcroît, c’est encore sans évoquer le problème de la mise en bourse de l’énergie associée à l’ouverture à la concurrence de la vente d’électricité qui a fait largement la preuve de son incapacité à maintenir des prix raisonnables tout en mettant en difficulté le service public.
On peut en plus remarquer que les scénarios de RTE ne prévoient aucun changement dans les modes de vie, de consommation, de production. Or, le problème climatique étant mondial, on ne peut se satisfaire de se délester du résultat de la production de nos biens à l’étranger et l’on doit même économiser largement sur leur transport (25 % du total des émissions de gaz à effets de serre) en relocalisant la production.
L’urgence écologique est là, ainsi tout programme sérieux et de gauche pour 2022 devra mêler décarbonation, économies d’énergie et maîtrise des prix. Ceci implique de grandes ambitions pour d’une part un service public qui sorte la production, le transport et la distribution d’énergie de la concurrence, et d’autre part la réindustrialisation du pays, la rénovation thermique des bâtiments, la gratuité et le développement massif des transports collectifs, le développement du fret ferroviaire, l’orientation de la production vers des objectifs de qualité, de durabilité, de modularité, de sobriété et de facilité de recyclage, à l’opposé des gâchis de l’objectif de profits à court-terme du capitalisme.
Celles et ceux qui promettent une sortie du nucléaire tout en garantissant un prix de l’énergie acceptable ou encore une véritable transition énergétique sans remise en cause des lois du marché ont donc encore un peu de travail d’explication à fournir… Il faudra que le débat ait lieu très sérieusement, les communistes y sont prêts.
Hugo Blossier,
Secrétaire départemental