Notre rédaction retransmet dans son intégralité le discours de Mme Carine Picard Niles, présidente de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé-Aincourt, lors de la cérémonie d’hommage aux internés du camp de Rouillé.
Mesdames et Messieurs les représentants des autorités civiles et militaires,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les représentants des associations d’anciens combattants,
Mesdames et Messieurs les porte drapeaux,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis, chers camarades,
Imaginez, ici-même, une quinzaine de baraques sur environ 1 hectare et demi, entourées d’une double rangée de barbelés que surplombe un mirador, et des centaines d’internés gardés par des gendarmes et des policiers français.
Le camp, conçu à l’origine pour 150 internés en comptera, au plus fort de son « activité » entre guillemets, jusqu’à 638 en 1942. Les conditions matérielles et sanitaires, la nourriture y sont bien sûr déplorables. Une organisation clandestine mise sur pied par les membres du Parti Communiste atténue les effets de la privation et participe au maintien du moral et au développement intellectuel et physique de chacun : cours de littérature, de philosophie, d’allemand, représentations théâtrales, compétitions sportives…
Le soutien, avéré, de la population de Rouillé et des communes environnantes a joué un rôle très important également pour ces internés éloignés de leur région et de leur famille.
Cette solidarité s’est exercée directement dans le camp à travers les actions du Docteur CHEMINEE, de sœur CHERER, de Camille LOMBARD, Raymond PICARD, Georges DEBIAIS et d’autres, qui nous rappellent que le fait de résister, dans ces jours sombres et incertains, c’est : ne pas renoncer et « faire quelque chose ». De cette activité, naîtra plus tard le comité de résistance de Rouillé. Ces actions allaient des aides matérielles et morales jusqu’à faciliter les évasions en lien avec la résistance locale. Cependant, pour les nazis, le camp n’est pas seulement un lieu d’internement : il est d’abord une réserve d’otages, qui peuvent être fusillés à tout moment en représailles d’actes de résistance, comme cela a été le cas le fameux 22 octobre 1941 à Châteaubriant, Nantes et au Mont Valérien.
En plus de cette répression sanguinaire, les nazis utilisent la déportation politique comme arme pour contrer l’intensification de la résistance intérieure. Le 22 mai 1942, 219 internés du camp de Rouillé, dont le jeune Fernand DEVAUX, sont transférés à Compiègne d’où 151 seront déportés le 6 juillet par le convoi dit des 45000 à Auschwitz. Seuls 14 survivront.
Dans la nuit du 12 au 13 juin 1944, quelques jours après le débarquement des Alliés en Normandie, le camp de Rouillé est libéré par les Francs-Tireurs et Partisans Français. Plus de 40 internés politiques, principalement des républicains espagnols, vont retrouver la liberté et
rejoindre aussitôt la résistance.
Le 27 juin, c’est le massacre de la forêt de Saint Sauvant, à Vaugeton où nous étions ce matin pour rendre hommage aux résistants tombés ce jour-là.
Enfin, le 8 mai 1945 c’est la capitulation sans condition de l’Allemagne nazie, actant la fin de cinq terribles années de domination de l’Europe par un régime fasciste, raciste et antisémite, xénophobe et homophobe. Après la Libération, ces hommes et ces femmes, ces résistantes et résistants, nos parents, grands-parents et arrière-grands-parents, maintenant, ont trouvé la force, dans une France anéantie de construire l’espoir d’un monde meilleur avec la mise en œuvre du programme du Conseil National de la Résistance, dont les mesures sociales et économiques avangardistes et innovantes façonnent encore une grande partie de notre modèle social français, basé sur des notions de solidarité et de justice sociale, comme la sécurité sociale.
C’est notre bien commun et nous avons l’obligation, en fidélité à leur œuvre emplie d’humanité de la transmettre aux générations futures.
A toutes les résistantes et résistants, hommage !
A tous les otages fusillés, hommage !
A tous les déportés dans les camps de la mort, hommage !
En relisant le résistant écrivain et poète Vercors, dans sa préface du livre « La Résistance, la liberté en héritage » on peut être frappé par ses mots :
« Les grands malheurs des hommes viennent de ce qu’ils les oublient sitôt passés et de ce que les générations suivantes, qui ne les ont pas subis, sont prêtes à se lancer dans de nouvelles mésaventures. C’est donc presque un devoir, pour ceux qui se souviennent, de s’évertuer contre cet oubli et d’avertir la jeunesse qui les suit ».
Se souvenir, c’est donc, demeurer fidèle, à ceux qui sont tombés. Se souvenir est plus que jamais une nécessité pour que des faits semblables ne puissent pas se reproduire. Tandis que de plus en plus les intérêts financiers priment sur les intérêts humains et conduisent des hommes à jouer à « Guerre et Paix » sur notre bon vieux globe terrestre qui souffre déjà de surchauffe climatique. Tout cela en se moquant du bien-être d’enfants, d’hommes et de femmes qui sous la fureur des bombes meurent au quotidien sans savoir pourquoi et ce sur tous les continents.
Je tiens pour finir à remercier Jacqueline Dribault bien sûr et Jean-Jacques Guerin et son équipe pour leur implication dans l’association. Ils ont repris le flambeau afin que personne ne vienne un jour, mettre un voile sur notre passé ou le réécrire.
Permettez-moi enfin, au nom de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé-Aincourt de vous remercier de votre présence encore nombreuse à perpétuer cette cérémonie en hommage, à celles et ceux qui, en ce lieu, ont résisté, ont été interné, déporté ou fusillé pour que nous vivions dans un monde de paix et un pays où nous pouvons être fiers de notre devise inscrite sur le fronton de nos édifices publics :
« Liberté, Égalité et Fraternité ».