Le 25 novembre 2021 était soumis au vote des conseiller.ère.s départementaux.ales le Projet de Territoire Agricole Irrigant (PTAI) qui prévoit la construction de retenues de substitution (bassines) dans le bassin du Clain. Florence Harris et ses collègues de Vienne En Transition sont les seul.e.s élu.e.s de l’assemblée à s’être prononcé.e.s contre celui-ci. Elle a pris la parole pour expliquer ce choix.
Intervention complète :
Le protocole d’accord à propos duquel il nous est aujourd’hui demandé de nous prononcer n’est plus celui qu’il était à son commencement. Ceci est dû à un dialogue inédit qui s’est ouvert, et qui a abouti à un certain nombre de choses :
- L’abandon de 11 projets de retenues de substitution ;
- Le conditionnement de la construction d’une majeure partie des ouvrages à l’étude Hydrologie Milieux Usages et climat (HMUC) ;
- Un socle d’engagements pour les exploitations concernées ;
- La gestion par un Groupement d’Intérêts Publics.
Ces avancées sont le fruit d’exigences portées haut et fort par des élus qui ont eu pour seul souci l’intérêt public (comme l’ont fait les représentants de Grand Poitiers, d’eaux de Vienne, de l’Etablissement public territorial de bassin). Nous regrettons donc par la même que le département ait été quasiment absent des négociations. Certainement, finalement, parce que le projet des irrigants convenait à la majorité départementale en son état initial.
La commission agriculture et ruralité ne s’est même pas réunie pour présenter ce projet à ses membres, il n’y a pas eu de place au débat entre les conseillers départementaux. Il y a pourtant 75 pages que nous avons digérées seuls, sans échange collectif.
Quoi qu’il en soit, il nous sera impossible de nous prononcer en sa faveur. Le projet n’est pas assez ambitieux, il contient trop d’incertitudes et il est injuste.
D’abord il n’est pas suffisamment ambitieux, par sa nature et dans son contenu.
Pas ambitieux par sa nature : un PTAI (Projet de Territoire Agricole Irrigants) n’est pas à la hauteur de l’enjeu : la gestion de l’eau, ses différents usages, de fait, touchent tous les habitants du territoire. À ce titre, la consultation aurait dû être bien plus large ; elle aurait dû prendre la forme d’un Projet de Territoire.
Pas ambitieux dans son contenu. Ce que vous nous présentez dans cette délibération comme un projet ayant vocation à « renforcer la résilience de l’agriculture face au changement climatique » est très loin de faire consensus chez les scientifiques comme chez les agriculteurs (2 des 3 principaux syndicats agricoles du département y sont d’ailleurs opposés).
Ces discussions entre toutes les parties prenantes auraient en revanche dû servir de tremplin pour impulser une véritable transformation du système agricole sur notre territoire.
Parce que non, la résilience, ce n’est pas sécuriser les approvisionnements en eau de demain pour continuer à consommer de manière tout autant irrationnelle qu’aujourd’hui.
La résilience aurait consisté à un changement profond des pratiques agricoles, pour consommer moins d’eau, utiliser beaucoup moins de pesticides, de fongicides, d’herbicides.
La résilience aurait consisté à encourager un engagement fort des filières agroalimentaires, qui sont en quelque sorte les donneurs d’ordre du secteur agricole et des banques (grandes absentes de la concertation !).
Ensuite, le projet contient également trop d’incertitudes sous-jacentes :
- Écologiques : quid des conséquences éventuellement désastreuses des 11 premières constructions sur la ressource en eau, sur la biodiversité ?
- Économiques : seront-elles rentables ?
- Pratiques : y aura-t-il assez de moyens pour assurer des contrôles et une bonne gestion de la ressource ?
Et enfin, le projet est injuste : il n’est en effet pas acceptable que des millions d’euros soit alloués à des projets qui profiteront in fine à une poignée d’exploitants agricoles (ceux qui auront les moyens de se raccorder aux réserves). Quid du partage de la ressource ? Ces exploitants agricoles verront par ailleurs la valeur foncière de leur exploitation grimper en flèche.
Vous l’avez compris, nous sommes favorables à une gestion publique de l’eau, à une concertation indispensable et urgente pour garantir les différents usages de l’eau et sa qualité, et à engager les transformations du système agricole. Ce que nous refusons, à travers ce vote, ce sont les conditions qui nous sont imposées.