Le prix du carburant ne cesse d’augmenter avec une moyenne de 1,55€/l pour le gazole et 1,65€/l pour l’essence. Face à ce nouveau coup dur pour les usagers des routes, et à l’inflation de plusieurs autres prix de matières premières le gouvernement annonce un chèque inflation de 100€ pour les citoyens gagnant moins de 2000€ par mois. Bien que cette somme va sans aucun doute soulager un tant soit peu les plus précaires, cette mesure gouvernementale semble être une opération marketing orchestrée par un gouvernement à bout de souffle ayant peur du prochain choix des urnes. De plus, cette somme issue de nos impôts va être regagnée en grande partie par l’état qui prélève des taxes à hauteur de 65% sur le carburant. L’état nous propose un bien maigre pansement pour le pouvoir d’achat sans s’attaquer à la question des transports.
Transports : fiscalité et aménagement du territoire
Les ménages français doivent faire face à une augmentation de leurs charges. En sus du prix de l’essence, ils doivent supporter l’augmentation importante du gaz et de l’électricité. On entend parfois dire que les taxes à hauteur de 65 % du prix du carburant seraient destinées à investir pour la transition écologique, or la très grande majorité des taxes (TVA et TICPE) alimentent simplement le budget de l’état. La TICPE rapporte 35-40 milliards d’euros par an ces dernières années, que l’on seraient tentés de mettre en regard des baisses d’impôts sur le capital, l’évasion fiscale…
Pourtant face à l’urgence climatique, des décisions fiscales claires, équitables et radicales pourraient être prises en matière de carburant : l’augmentation des taxes sur le kérosène et les grands groupes pétroliers, l’augmentation des taxes sur les véhicules neufs polluants, modulation des taxes sur le carburant pour garantir les recettes de l’État et les prix à la pompe. Les nouvelles recettes pourraient par exemple venir augmenter les dotations aux collectivités, pour développer et moderniser considérablement leur offre de transport public (en visant la gratuité) et de mobilité douce.
La baisse des dotations et le désengagement dans les services publics empêchent les collectivités de réaliser les investissements nécessaires pour un avenir plus vert
Le gouvernement, qui s’est engagé pour le respect des accords de Paris, n’aide en rien les territoires à avancer en ce sens. La baisse des dotations et le désengagement dans les services publics empêchent les collectivités de réaliser les investissements nécessaires pour un avenir plus vert, notamment en matière de transports. Si l’offre des transports publics est relativement efficace en zone urbaine, un grand nombre de zones blanches existent dans nos territoires. Se crée là une opposition claire entre urbain et rural. Pour beaucoup de nos concitoyens, la voiture reste le seul moyen de transport efficace pour répondre aux besoins quotidiens (école, travail, etc.).
La situation de Grand-Poitiers est une bonne étude de cas. On y voit clairement l’opposition entre Poitiers, sa proche périphérie et le reste du territoire de Grand-Poitiers (passage de 13 à 40 communes en 2017). Un habitant de Celle l’Evescault qui travaille à la SAFT est par exemple contraint de prendre sa voiture quotidiennement pour une quarantaine de km. Pourtant des infrastructures existent, mais ne sont plus en état, plus ou sous exploitées, pensons par exemple aux lignes ferroviaires Poitiers-Chauvigny, Poitiers-Parthenay, Poitiers-Futuroscope. Citons aussi les parkings relais en entrée de ville, qui plus développés et avec un réseau de bus plus performant pourraient attirer bien davantage les automobilistes du quotidien. Grand-Poitiers a décidé d’axer une partie de son plan pluriannuel d’investissement autour de l’intermodalité mais la Communauté Urbaine ne peut avoir que des ambitions mesurées et a pourtant été contrainte d’utiliser le levier fiscale pour y parvenir (augmentation du versement transport et de la taxe foncière). L’État est le grand absent.
Les 30 dernières années de politiques libérales ont entraîné un recul sans précédent des services publics et un renoncement à une véritable politique d’aménagement du territoire, soucieuse des intérêts et des besoins humains. Les bassins d’emplois sont ultra localisés, les prix de l’immobilier ne permettent pas forcément aux travailleurs de vivre à proximité, l’offre de transport efficace est bien souvent absente, les services publics ont disparus et entraînent avec eux la fermeture du privé. Pourtant, une politique ambitieuse de relocalisation des productions de manière raisonnée sur le territoire en fonction des besoins et de développement des services publics de proximité permettrait aussi de désengorger les métropoles, de redonner vie à des zones sinistrées et de diminuer le transport de marchandises par camions sur les routes.
Sam Franceschi